Comment la numérisation influence-t-elle les besoins en formations et formations continues ?

Cet article montre, du point de vue des étudiants et des diplômés ES, dans quelle mesure ces formations et formations continues sont nécessaires pour relever les défis engendrés par la numérisation.

Par Thomas Bolli, Filippo Pusterla, Ursula Renold**

Ces dernières années, marquées par la pandémie du COVID-19, ont fortement modifié les conditions de travail. Le télétravail, par exemple, a pris de l’ampleur¹. Une telle modification des habitudes de tra-vail due à la numérisation s’accompagne d’un besoin supplémentaire de formations et de formations continues, car les nouvelles technologies et les nouveaux programmes requièrent de maintenir ses compétences à jour.

Malgré le rôle central des formations et des formations continues pour garantir une main-d’œuvre qualifiée à l’ère de la numérisation, cet aspect n’est pas toujours suffisamment pris en compte dans la recherche et le débat public. C’est pourquoi cet article examine, sur base de l’enquête ODEC, l’influence de la numérisation sur les besoins en formation et formation continue. Plus de 3900 étudiants et diplômés ES ont répondu à des questions spécifiques sur ces besoins de formation en lien avec la numérisation.

Diminution des besoins en formations et formations continues liés à la numérisation

Pour comprendre comment le besoin en formation continue lié à la numérisation a évolué, la figure 1 montre la part des personnes interrogées qui estiment que la numérisation requiert des formations et des formations continues. Même si cette proportion a globalement baissé de 77% en 2017 à 67% en 2021, deux tiers des personnes interrogées estiment encore en 2021 qu’elles auraient besoin de formations supplémentaires. À l’exception du domaine «Social et formation des adultes», on observe un net recul dans tous les autres domaines. D’autres évaluations montrent qu’il n’y a pas de grande différence entre les cadres et les collaborateurs sans fonction de cadre. De plus, il n’y a pas de modèle clair selon l’âge. En revanche, les hommes ont davantage tendance à estimer que la numérisation requiert des formations et formations continues en raison de la numérisation que les femmes.

Une autre explication pourrait être que les répondants se sont davantage focalisés sur les formations et les formations continues qui découlent des nouvelles méthodes de travail liées à la pandémie. Par exemple, la généralisation croissante du télétravail pourrait avoir incité les répondants à suivre en particulier des cours de formation continue sur les logiciels qui se sont imposés dans le télétravail. Une autre explication plausible pourrait se rapporter aux cadres qui ont suivi des cours de formation continue réservés aux cadres afin de mieux gérer les équipes qui travaillent de manière hybride ou asynchrone. Le paragraphe suivant se penche donc plus en détail sur les types et les domaines des formations et formations continues requis par la numérisation.

Quels sont les besoins en formation et formation continue que la numérisation révèle ?

Examinons tout d’abord les types de formations et formations continues que, selon les étudiants et les diplômés ES, la numérisation croissante requiert. La figure 2 montre que c’est surtout la formation continue non formelle qui est nécessaire : un peu moins de 60% des personnes interrogées estiment que ce type de formation est nécessaire. Viennent ensuite, à une nette distance, les diplômes de bachelor et de master des hautes écoles, qui sont toutefois toujours cités par 35% des personnes interrogées. Les diplômes de bachelor et de master des hautes écoles spécialisées dominent, tandis que les hautes écoles pédagogiques et les hautes écoles universitaires sont plus rarement citées. Les filières de la formation professionnelle supérieure sont également citées par près de 30% des personnes interrogées. Dans ce contexte, les diplômes d’une Ecole supérieure représentent environ la moitié des réponses. Ces résultats montrent que la numérisation ne requiert pas seulement la formation continue non formelle, mais qu’elle requiert aussi parfois des investissements substantiels dans les formations formelles. Seule une très faible proportion des personnes interrogées estime qu’un diplôme supplémentaire de niveau secondaire II est nécessaire. Dans ce cas, on peut supposer qu’il s’agit le plus souvent d’une réorientation.

Les différences entre les domaines d’études des personnes interrogées indiquent que les formations continues non formelles sont particulièrement importantes en raison de la numérisation dans les domaines «Technique» et «Social et formation des adultes». Les diplômes de bachelor et de master des hautes écoles sont particulièrement souvent cités par les personnes interrogées dans les domaines «Economie» et «Hôtellerie, tourisme et économie familiale». En revanche, les filières de la formation professionnelle supérieure dans le domaine «Santé» sont plus répandues que la moyenne.

Considérons maintenant les domaines des formations continues nécessitées par la numérisation. La figure 3 montre la part des personnes interrogées qui considèrent que la numérisation requiert une formation ou une formation continue dans un thème particulier². Sans surprise, c’est «l’informatique» qui est le plus souvent cité. Plus des deux tiers des personnes interrogées indiquent que cette formation en «informatique» est nécessaire. Il est toutefois intéressant de noter que la numérisation rend en outre également nécessaires des formations et des formations continues «réservées aux cadres» (plus de 40%), ainsi que dans les «langues» et le «développement personnel» (environ 35% chacune). Viennent ensuite les formations et les formations continues en «finances et vente», qu’environ un cinquième des personnes interrogées indiquent requérir en raison de la numérisation.

D’autres analyses montrent qu’il n’y a que de petites différences entre les domaines ES quant aux différents thèmes. Les formations et formations continues dans les thèmes «informatique» et «langues» sont très courantes dans tous les domaines. De plus, les thèmes spécifiques à un domaine ES sont surreprésentés dans leurs domaines respectifs : ainsi, dans le domaine «Santé», les formations et formations continues en «santé» sont plus souvent cités que la moyenne; dans le domaine «Social et formation des adultes», les formations et formations continues en «pédagogie» sont plus nombreux que la moyenne; et dans le domaine «Technique», le thème «production industrielle» est particulièrement souvent cité.

Résumé

Plus des deux tiers des étudiants et diplômés ES interrogés estiment que la numérisation nécessite des formations et formations continues. Les formations continues non formelles sont le plus souvent citées comme type de formation, mais les formations supérieures et professionnelles supérieures sont aussi relativement souvent citées. La numérisation nécessite ces formations notamment en informatique, en langues, en développement personnel, et des cours réservés aux cadres. Relevons que ces résultats ne sont pas nécessairement représentatifs de la main-d’œuvre suisse, mais qu’ils concernent surtout les titulaires d’un diplôme ES. Ces résultats sont donc particulièrement importants pour les différents acteurs au niveau des Ecoles supérieures. En outre, ils abordent un sujet très pertinent en rapport avec la numérisation, qui à bien des égards n’a pas encore été suffisamment étudié.

¹ Cf. Bulletins ODEC 4|2021 et 1|2022
² Ces domaines ont été repris du «Microrecensement formation de base et formation continue (MRF)» de l’OFS.

** Chaire des systèmes éducatifs, EPF Zurich